Pour produire il nous faut un lieu adapté, un lieu où l’on peut laisser en plan un travail commencé. Un lieu qui respire l’art, fait pour ça. C’est pour beaucoup ne plus être dans sa cuisine ou dans un petit réduit pour peindre. Le travail d’une vie pour parvenir à s’installer dans ce lieu. En région parisienne avec la pression immobilière je me suis très vite aperçu que ce ne serait jamais possible. Passant d’une structure collective à l’autre, telles les MJC et conservatoire d’arts plastiques, il n’y a jamais eu d’endroit où poser ses valises et construire. L’artiste nomade explore le monde, produit de l’éphémère, a du mal dans cette précarité à se faire une vision d’ensemble de sa démarche. En banlieue sud, les rares ateliers d’artistes étaient occupés par des gens aisés qui d’ailleurs n’étaient pas forcément des artistes. À Paris le bateau Lavoir où Picasso lui-même eut un atelier serait aujourd’hui le lieu de tous les anathèmes, le squat immonde qu’il faut éradiquer. Où créer alors ? Chercher une région où la pression immobilière sera moins forte. C’est ce que j’ai fait en venant en Bretagne. Mais pas d’illusion, j’ai eu un peu de chance, dans l’avenir ce modeste atelier deviendra impossible à acquérir tant la transformation urbaine nous rattrape. Depuis 2000, ici la population ne cesse d’augmenter de manière vertigineuse. Ici ce n’est pas Paris, on a envie de répondre “et pourquoi pas ?”. Une forte partie de la population en vient, repoussée par le manque de place. Pourquoi ne pas construire ailleurs ce qu’il n’est plus possible de faire là-bas. D’ailleurs ça vaut pour bien d’autres activités. Une sorte de pied de nez fait à la région parisienne où rien ne peut se faire sans déployer des masses d’argent hallucinantes.